PILULE
ET SEXUALITÉ
Existe-t-il
une baisse du désir ?
A
l’heure où la contraception combinée orale reste le moyen de
contraception hormonale le plus répandu dans le monde, ses retombées
sur la sexualité féminine sont une question persistante ; il
existe peu d’études, essentiellement observationnelles.
Crédit image : Iroises communication
Dans
le cadre de cet essai randomisé
multicentrique en double aveugle versus placebo, 202 femmes,
entre 18 et 35 ans, ont été recrutées entre septembre 2013 et mai
2015, dans plusieurs centres suédois.
Évaluer les effets sur la sexualité féminine d’une contraception combinée
orale
Les
patientes ont reçu aléatoirement un traitement par contraception
combinée orale (COC : 1,5 mg d’œstradiol + 2,5 mg
d’acétate de nomégestrol) ou un placebo pendant vingt-quatre
jours suivis de quatre jours d’arrêt, le tout pendant trois cycles
consécutifs. Lors
du rendez-vous initial (baseline : un cycle de
menstruations spontanées), puis à la fin du dernier cycle de
traitement, une prise de sang et un prélèvement de cheveux ont été
réalisés et le McCoy Female Sexuality Questionnaire (MFSQ) a
été complété par chaque
femme. Le MFSQ permet d’évaluer les aspects de la sexualité féminine potentiellement
affectés par les variations hormonales (intérêt sexuel,
satisfaction sur la fréquence de l’activité sexuelle,
lubrification vaginale, orgasme, attractivité du partenaire).
Le
critère de jugement principal a été un changement
significatif du score MFSQ
La
détérioration clinique du désir a été considérée comme
significative en cas de baisse d’au moins 30 % des scores
entre la baseline et dernière visite. Une
baisse légère mais significative de l’intérêt sexuel dans le
groupe COC versus placebo (p = 0,019) a été notée,
même après ajustement sur d’éventuels symptômes dépressifs
auto-rapportés par les patientes. Cependant, aucune différence
significative sur les scores de désir sexuel clinique n'a été
rapportée (p = 0,47). Enfin,
aucune différence n’est apparue concernant le
score global de satisfaction sexuelle.
Un impact statistique sans réelle traduction clinique sur le
désir
Cette
étude était le premier essai multicentrique, avec répartition au
hasard en double aveugle contre placebo, évaluant les effets sur la
sexualité féminine d’une COC contenant de l’œstradiol naturel
(et non de l’éthynilestradiol comme dans les essais précédents)
et elle suggère un impact
statistique (petite détérioration des scores MFSQ) de la COC sur le désir sexuel, sans
réelle traduction clinique sur le désir. La limite
principale était la difficulté du maintien de l’aveugle en raison
des effets indésirables ressentis par les patientes sous COC
(spottings, etc,) qui devinaient souvent leur bras de randomisation.
De
nombreuses questions persistent donc quant au lien entre COC et désir
sexuel et d’autres études à plus long terme sont nécessaires.
Marion Aupomerol
31 mars 2019
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